Par créativité, j’entends la capacité naturelle de tout être humain à s’adapter, à rester en adéquation avec la réalité — et donc à préserver sa santé, à rester capable de réaliser son potentiel et de concrétiser ses projets.

Le développement de la créativité repose souvent sur des méthodes visant à générer un grand nombre d’idées autour d’un thème donné, afin d’en extraire ensuite les plus pertinentes. Mais ces approches négligent parfois l’essentiel : la manière d’atteindre l’état créatif lui-même. Cet état est profondément actif et engageant ; il mobilise l’attention, les émotions, les pensées et surtout l’imagination — un élément fondamental du fonctionnement de l’esprit humain.

À la suite de Charles Baudelaire, distinguons l’imagination de la simple fantaisie. Le fondateur du symbolisme français considérait cette dernière comme une forme de distraction vide de sens. Tandis que l’imagination est « une faculté presque divine, qui perçoit d’abord les rapports intimes et secrets des choses ». Créer, pour Baudelaire, ne consiste pas à copier la réalité visible, mais à en faire émerger les significations profondes.

Prendre un dictionnaire artistique pour l’art lui-même, c’est risquer de confondre la forme avec l’essence. Inversement, une approche trop rationnelle, « philosophante », peut nuire à la création véritable. Dès lors que le processus vivant de la création se fige dans des théorisations abstraites, il perd son lien au réel. L’histoire moderne regorge d’exemples où des idées progressistes, bien qu’animées par de nobles intentions, ont engendré souffrances et destructions.

La véritable créativité repose ainsi sur une double fidélité : d’un côté, à l’imaginaire, de l’autre, à la réalité. L’imagination créative est une forme de pensée prolongée de la réalité, qui s’enracine dans les données initiales — une idée, un thème, une image — pour en extraire de nouveaux sens et de nouvelles formes.

Tout au long de sa construction en tant que sujet, l’être humain apprend à nommer le monde et à tisser des chaînes de significations. Plus une personne est créative, plus sa « carte mentale » du monde est vaste — cette carte qui permet de comprendre, d’anticiper, donc de réussir dans la vie quotidienne.

Les métaphores et les symboles sont l’expression la plus parlante de cette carte intérieure. Le symbole du Soleil, par exemple, renvoie à la fois à un astre, à la lumière, à l’énergie vitale, au dieu grec Apollon, à la beauté masculine, à la clarté d’esprit, à l’intelligence, à l’héroïsme, à la générosité… En pensant au Soleil, l’imagination active une multitude d’idées à la fois.

Ce mécanisme illustre bien la logique propre à la pensée créative : elle part de concepts existants, les met en dialogue, les associe, et par ce processus fait émerger de nouveaux contextes, parfois inattendus. L’imprévisibilité est d’ailleurs un critère de reconnaissance de la pensée véritablement créative. Et ce qui paraît d’abord surprenant finit souvent par s’imposer comme une évidence.

La créativité authentique est le fruit d’un remaniement intérieur des données initiales : c’est un travail actif de l’imagination et de l’intellect. Plus cette capacité est grande, plus l’individu est apte à maintenir simultanément en mémoire de nombreuses variantes et à les transformer en nouvelles significations. C’est une pensée nourrie par l’imagination. Grâce à elle, l’homme prolonge le monde réel dans un monde imaginaire pour ensuite le réintégrer dans le réel sous forme d’œuvre d’art, d’innovation, ou de projet entrepreneurial.

La pensée créative est un processus psychique complexe qui mobilise toutes les dimensions de la psyché humaine — conceptualisation, concentration profonde, mais aussi émotions, savoirs acquis et expériences personnelles significatives.

Et lorsqu’un véritable état créatif est trouvé, toute action, toute manifestation consciente de la vie engendre un sentiment profond de croissance personnelle et d’harmonie avec le monde — autrement dit, une élévation de la qualité d’être.

Comme le disait Albert Einstein avec humour : « La créativité est contagieuse. Faites-la tourner ».