PHENOMENOLOGIE
LA PHÉNOMÉNOLOGIE PERMET DE SE RAPPROCHER AU PLUS PRÈS DE LA RÉALITÉ HUMAINE, EN ACCUEILLANT CHAQUE RESSENTI, CHAQUE PERCEPTION, COMME UNE EXPRESSION AUTHENTIQUE DU VÉCU
Le penseur antique Platon utilisa la métaphore de la caverne pour illustrer les limites de la perception humaine du réel. Dans la caverne, vivent des hommes enchaînés, tournant le dos à la lumière, dont la source se trouve bien au-delà de l’entrée. Ils ne perçoivent donc le monde extérieur qu’à travers les ombres projetées sur la paroi. Il leur suffirait de se libérer de leurs chaînes et de faire face à la lumière pour entrevoir clairement ce qu’ils ne faisaient qu’intuiter dans des ombres.
Mais affronter la lumière nécessite effort et courage, car la réalité peut éblouir et déranger. Regarder la lumière en face peut faire mal aux yeux. On est tenté de se détourner, préférant alors le monde illusoire à la clarté du savoir.
L’une des caractéristiques fondamentales de la conscience humaine est le désir de comprendre et d’anticiper, afin de se préparer au danger ou de donner sens aux événements passés. Pouvoir prévoir et interpréter apaise l’esprit, renforce le sentiment de sécurité et de maîtrise. Pourtant, comprendre n’est pas toujours synonyme d’accepter, et encore moins d’agir. On peut tout saisir… et continuer à nier et à ne rien changer.
Dès que nous pensons ou planifions, nous plongeons dans un monde de représentations, façonné par notre imagination. Toute action nécessite une préparation, mais plus elle est élaborée, plus elle nous éloigne du réel pour nous enfermer dans l’imaginaire. Cependant, cette quête de sens peut nous éloigner du présent, nous enfermant dans des représentations mentales façonnées par l’expérience négative du passé ou l’angoisse du futur. Ainsi, à force de ruminer ce qui n’est plus et d’anticiper ce qui n’est pas encore, on risque de vivre dans un monde imaginaire, déconnecté de l’ici et maintenant.
La santé mentale repose sur le contact avec le réel. Et pourtant, le monde intérieur de chacun reste unique et subjectif. Interpréter l’autre à travers le prisme de son propre vécu est source d’erreurs et toute généralisation est hasardeuse. Ce qui est évident pour l’un ne l’est nullement pour l’autre. Ce qui paraît insurmontable à l’un semblera dérisoire à l’autre. Les théories les plus sages ne résonnent pas chez celui qui ne les a pas vécus et éprouvées. Chacun vit dans un monde singulier de perceptions et de ressentis. En imposant notre vision au nom d’une prétendue objectivité, nous dérobons à l’autre son droit de choisir, de penser librement, d’évoluer.
Le succès, quel que soit le domaine d’activité, repose avant tout sur une vision « juste » du monde. L’entrepreneur a besoin d’une compréhension claire de la dynamique du marché dans lequel il agit. L’artisan doit connaître la nature du matériau qu’il travaille. L’écrivain, quant à lui, façonne des caractères singuliers et uniques, donnant vie à l’univers intérieur de ses personnages en les inscrivant dans un milieu qui leur est propre.
De la même manière, une communication authentique entre les individus exige l’acceptation de l’altérité : reconnaître l’autre dans son unicité, dans sa différence, parfois même dans ce qui semble étrange ou erroné à nos propres yeux. Et bien entendu, pour interagir avec justesse, il faut d’abord se connaître soi-même : avoir une image lucide de ses capacités, de ses limites, des conditions dans lesquelles ces ressources pourront s’exprimer.
Dans cette quête de clarté, l’accompagnement psychologique joue un rôle précieux. Et plus encore, lorsque cet accompagnement suit une approche phénoménologique. Le psychologue n’y est pas un expert armé de réponses toutes faites, mais un compagnon attentif, profondément respectueux du monde intérieur de l’autre.
Grâce à cette présence bienveillante, le client peut observer avec délicatesse les nuances de sa propre réalité : ici une angoisse familière, là une joie fugace, parfois des pensées stériles connues de longue date, parfois des idées nouvelles, fraîches, pleines de promesses. Dans ce dialogue se recompose pas à pas le paysage unique de la vie intérieure du client, tel qu’il est vécu — et non tel qu’il devrait être. Ce qui importe ici, ce n’est pas tant ce qui s’est produit, mais la manière dont cela est vécu.
La phénoménologie nous remet en lien avec nous-mêmes. Une reconstruction dénuée de tout jugement, diagnostic ou de théorie préconçue, permet l’alignement des pensées avec les émotions, qui cessent alors d’être une poudrière d’affects incontrôlés. Les vécus ne sont plus de stériles ruminations, mais deviennent une ressource précieuse pour une transformation active de la vie — et c’est ainsi que le changement s’inscrit dans la durée.

« Lorsque je me représente autrui, je n’imagine en réalité que moi-même, et non l’autre. »
— Edmund Husserl
« Rares sont ceux qui savent parler et écouter. Très peu écoutent sans parler. La majorité parle sans écouter.»
— Fritz Perls
« Le fou dit : « Je suis Abraham Lincoln. » Le névrosé : « J’aimerais être comme Abraham Lincoln. » La personne saine : « Je suis moi, et vous êtes vous. » »
— Fritz Perls