LA REPRESENTATION SYMBOLIQUE

UNE MÉTHODE QUI TOUCHE AUX MÉCANISMES PROFONDS DU PSYCHISME HUMAIN

Le jour du poisson d’avril, le 1er avril 1921, une représentation théâtrale des plus singulières fut donnée sur la scène du théâtre dramatique de Vienne. Lorsque le rideau se leva, la haute société viennoise découvrit un homme seul sur scène : Jakob Levy Moreno, le fondateur du « Théâtre de la Spontanéité ». Il proposa aux spectateurs de jouer la pièce de leur propre vie, de devenir les dramaturges des événements qu’ils avaient tous traversés en cette époque tourmentée de l’après-guerre. Son appel mit du temps à toucher les cœurs, car il ne visait rien de moins que de transformer le monde. Ce visionnaire appelait à une révolution universelle de la libération intérieure, destinée à éveiller la force créative de chacun et à faire de l’homme le Créateur de son propre destin.

S’inspirant des travaux de Moreno, la psychologue et thérapeute américaine Virginia Satir élabora sa propre méthode. Elle concevait la famille comme un système d’interactions métaphoriques entre ses membres. À travers ce qu’elle nommait « sculpture familiale », elle rendait visible la dynamique systémique, avec ses règles implicites, ses interdits et ses contradictions. Ainsi par exemple Satir liait les membres d’une famille entre eux avec des cordes, leur demandant de jouer une scène dans laquelle chacun pouvait ressentir les tensions du système. Placés dans des postures symboliques représentant leurs rôles familiaux, ils partageaient ce qu’ils éprouvaient. On leur proposait ensuite de créer une nouvelle sculpture — cette fois harmonieuse et équilibrée.

Ce procédé de la représentation symbolique, enrichi et théorisé au fil du temps, est aujourd’hui utilisé bien au-delà de l’analyse du comportement social : il sert au développement de la créativité, à la connaissance et à la transformation de soi. Des domaines aussi variés que le coaching, la consultation psychologique etc. Les jeux de rôle théâtralisés avec improvisation spontanée, jusqu’aux méditations transes sur des thèmes philosophiques intègrent cette approche multidimensionnelle.

Son efficacité et sa polyvalence tiennent aux mécanismes profonds du psychisme humaine. Représenter une problématique à travers une poupée ou des « acteurs » permet de prendre de la distance, d’éviter une implication émotionnelle excessive, souvent nuisible à une évaluation claire de la situation.

Le caractère rituel et « théâtral » de cette méthode induit chez les participants un état de conscience créatif particulier. Chaque aspect de la situation problématique trouve sa place symbolique sur la scène, s’exprime librement et entre en interaction avec les autres éléments du système. Ce qui auparavant était évité ou refoulé devient un partenaire du travail intérieur.

La nature imagée, spatiale et ludique du procédé, sa symbolique, favorise la synchronisation entre émotion et pensée grâce à l’usage actif de l’imagination. Dans un cadre «de laboratoire», soutenu par le groupe, la personne revit et comprend une situation complexe, ce qui est vécu dans la conscience comme une expérience authentique et bénéfique. Ce cheminement créatif mène à une autorégulation naturelle de la psyché, aboutissant à des relectures soudaines, à des éclairages intenses et émotionnellement libérateurs.


« Le monde entier est un théâtre,

Et tous, hommes et femmes, n’y sont que des acteurs ;

Ils ont leurs entrées et leurs sorties,

Et chacun, dans sa vie, joue plusieurs rôles. »

— William Shakespeare

« Au commencement était le Verbe », dit saint Jean dans l’Évangile.

« Au commencement était l’Action », s’écrie Faust chez Goethe.

Allons plus loin : « Au commencement était l’Acteur, l’Homme créateur de l’univers. »

— J. L. Moreno

« L’homme n’est qu’un nœud de relations. Les relations comptent seules pour l’homme. »

— A. de Saint-Exupéry